- TÉRATOMES
- TÉRATOMESTÉRATOMESTumeurs constituées par un pot-pourri de tissus hétérologues, c’est-à-dire différents de ceux de l’organe dans lequel ils se développent. Mais ces tissus sont parfaitement normaux.Les tératomes peuvent présenter, dans une même tumeur ou d’une tumeur à l’autre, les divers aspects successifs caractéristiques des phases embryonnaires, fœtale et mature du développement. On conçoit donc que l’histogenèse des tératomes ait suscité un immense intérêt. Elle a été interprétée soit comme une perturbation (dysgenèse) du développement de l’embryon, par exemple au cours de la mise en place des feuillets, soit comme une construction caricaturant ce développement à partir de cellules embryonnaires qui, pour des raisons inconnues, auraient échappé au contrôle des organisateurs «primaires» au cours de l’ontogenèse. Comme la localisation des tératomes se fait avec une certaine prédilection dans les gonades, l’hypothèse d’un développement parthénogénétique de cellules sexuelles a servi à expliquer l’origine des variétés testiculaires ou ovariennes du tératome.Deux grands groupes de tératomes sont généralement reconnus. Dans le premier sont rangées des tumeurs résultant vraisemblablement d’une dysgenèse tératologique de la ligne primitive, ou d’un jumeau incomplet: l’exemple type en est le tératome sacro-coccygien. Le second inclut les tumeurs pour lesquelles l’origine germinale est généralement retenue: les tératomes génitaux, bien sûr, et certaines localisations extragénitales (épiphyse, abdomen, thorax) qui se développeraient aux dépens de gonocytes (cellules germinales) «perdus» lors de leur migration. Le terme de tératome, consacré par l’usage, rend compte par chance de ces incertitudes puisque, étymologiquement, il implique la double notion de tumeur et de malformation; mais il est impropre puisqu’il recouvre des entités différentes.Les tératomes testiculaires proviendraient d’un développement «éphébogénétique» de cellules germinales mâles, et ceux de l’ovaire d’un développement parthénogénétique d’ovules, ce qui a été démontré par L. C. Stevens chez les souris L T dont les femelles présentent un certain nombre de tératomes ovariens spontanés.L’intérêt des tératomes génitaux s’est trouvé amplifié par la découverte d’un chercheur américain: L. C. Stevens. En 1954, ce dernier a en effet observé un tératome testiculaire survenant spontanément chez des mâles d’une lignée consanguine de souris (appelée 129); et il a montré que, dans de nombreux cas, cette tumeur était transplantable indéfiniment sur souris syngénique. Un outil de premier ordre pour l’étude de la cytodifférenciation et de la carcinogenèse était ainsi apporté à la science expérimentale.Les tératomes 129 sont congénitaux. Le processus tumoral commence, vers le douzième jour de la gestation, par une prolifération de cellules indifférenciées à l’intérieur de tubes spermatiques. Très rapidement, cette prolifération se différencie progressivement en des tissus divers appartenant aux différents feuillets. Ils vont poursuivre leur évolution vers la maturité histologique pendant le restant de la période fœtale et après la naissance.Ces observations ont confirmé en fait une hypothèse proposée par les pathologistes (Friedman, Dixon, Moore et Teilum) selon laquelle la cancérisation de cellules germinales aboutissait à une population de cellules indifférenciées totipotentes, ou carcinome embryonnaire (C.E.), à partir de laquelle se différencient ensuite des tissus embryonnaires immatures puis matures. On appelle tératocarcinomes les tumeurs qui contiennent un mélange de cellules indifférenciées et de tissus différenciés, quel que soit le degré de maturité de ces derniers. Le terme de tératome est de ce fait réservé aux tumeurs constituées par des tissus différenciés plus ou moins matures mais ne contenant plus de cellules indifférenciées.On a pu mettre en évidence dans les cellules de C.E. des activités enzymatiques analogues à celles des premières phases de l’embryogenèse (phosphatase alcaline, 廓-glycuronidase, iso-enzymes, 見-fœtoprotéine, activateur de plasminogène, synthèse de la glycosaminoglycan, etc.). On y a reconnu d’autre part la présence de protéines ou glucoprotéines spécifiques de la différenciation, présentes à la surface des cellules (protéines LETZ) ou participant aux modulations du squelette cellulaire au cours de la différenciation (actine, tubuline).Les surfaces cellulaires jouent un rôle important dans la différenciation, mais les antigènes présents sur ces surfaces sont difficiles à étudier chez l’embryon normal. Le C.E. fournit donc un matériel incomparable. Parmi ces antigènes, l’antigène F 9 (obtenu en hyperimmunisant des souris syngéniques avec le C.E. F 9) s’est révélé particulièrement intéressant. On le trouve sur toutes les cellules indifférenciées et il disparaît dès qu’une ébauche de différenciation se produit. Il est décelable sur les spermatozoïdes de tous les mammifères étudiés jusqu’à présent, mais est absent de ceux des oiseaux et des amphibiens. Chez l’embryon, il est présent quelques heures après la fécondation, sur les deux feuillets de blastocyste et plus tard sur l’ectoderme, mais il disparaît ensuite lorsque les tissus embryonnaires commencent à se différencier. Il semble que sa disparition coïncide avec l’apparition des antigènes majeurs d’histocompatibilité (système H 2 chez la souris). Il joue peut-être un rôle dans les interactions cellulaires qui ont lieu pendant les stades précoces du développement.Le déterminisme génétique de l’antigène F 9 serait régi par un groupe de gènes situés sur le chromosome 17 de la souris entre le centromère et la région H 2. Ce complexe T/t a sans doute un rôle important dans le développement de l’embryon en déterminant au niveau des cellules en différenciation les antigènes de surface caractéristiques de certaines étapes du développement.
Encyclopédie Universelle. 2012.